C’est une immense ferme aquacole qui attire nos pas aujourd’hui. Guidés par Laurent Dulau, directeur général du Groupe Kaviar (caviar Sturia) et président de l’Association Caviar d’Aquitaine, nous nous initions à la fabrication d’un produit d’excellence : le Caviar d’Aquitaine IGP.
L’Estuaire s’étend devant nous, en majesté. Nous sommes en Charente-Maritime à Saint-Fort-sur-Gironde, dans la plus grande ferme aquacole du groupe. Mais comment est né le caviar d’Aquitaine ?
Une tradition russe protégée par une IGP
Au moment de la révolution dans leur pays en 1917, des aristocrates russes se sont installés dans les environs. Ils ont importé un véritable savoir-faire, que le Groupe Kaviar perpétue toujours aux côtés de 3 autres producteurs de caviar d’Aquitaine : L’Esturgeonnière, Caviar de France et Prunier Manufacture. Ensemble, ils ont décroché, en février 2025, une Indication Géographique Protégée (IGP).
« Cette reconnaissance couronne 12 ans de travail, d’engagement et de passion »

Cette IGP apporte des garanties qualitatives aux consommateurs et aux producteurs, comme l’explique Laurent Dulau :
« L’IGP Caviar d’Aquitaine est un produit d’excellence, dont le cahier des charges encadre strictement un savoir-faire reconnu concernant le bien-être animal, ainsi que nos méthodes d’élevage et de transformation. »
« Il protège également notre travail des copies éventuelles et de ceux qui voudraient usurper le nom de Caviar d’Aquitaine. Il commence à avoir une très forte notoriété parce qu’il est reconnu pour son authenticité et son excellence. » Les gourmets ne s’y trompent pas, appréciant le petit goût de noisette caractéristique et la note finale légèrement iodée.

Des piscines en bord de Gironde
Les esturgeons baignent ici dans d’immenses piscines de plus d’un hectare. Leur vie commence à l’écloserie où naissent les bébés. Ils seront ensuite élevés pendant 3 ou 4 ans dans ces piscicultures d’affinage, dont la densité d’esturgeons est particulièrement faible. « Les poissons grandissent tranquillement dans nos bassins, sans surpopulation. Ce sont des conditions idéales pour atteindre l’âge de la maturité sexuelle qui permet d’avoir des œufs. Comme ils ne sont pas stressés, la qualité des œufs est tout à fait remarquable. »

Passage obligatoire à l’échographie
Une fois adultes, les esturgeons sont triés. « Une échographie de l’intérieur du poisson nous permet de voir si les gonades sont pleines. Si c’est le cas, on réalise une petite ponction dans la poche ovarienne et on goûte le caviar, de manière à savoir si les œufs sont mûrs ou pas. »
Commence alors le délicat travail de sélection des œufs, regroupés en lots homogènes, puis rincés, salés et conditionnés. Toutes ces étapes sont effectuées à la main, précise Laurent Dulau : « C’est vraiment un métier d’artisan. Entre le moment où on prélève les œufs et la mise en boîte, il ne peut pas se passer plus de 4 heures, pour respecter le cahier des charges de l’IGP. »
Le dinosaure des rivières
L’esturgeon a sensiblement la même durée de vie que l’espèce humaine, mais il est présent sur terre depuis bien plus longtemps qu’elle. Laurent s’en amuse. « C’est un dinosaure, un poisson préhistorique qui ressemble un peu à un requin, sans écailles, ni arêtes, pratiquement aveugle. Il détecte ses proies au fond des rivières grâce à de petits barbillons à l’avant de la bouche ; puis il les aspire avec sa bouche rétractile. » L’animal est imposant. Il peut mesurer jusqu’à 1 mètre et peser une dizaine de kilos !

Sur le marché du caviar, la menace étrangère se précise. « En 2012, le caviar chinois représentait 50 tonnes. Ce sont 500 tonnes aujourd’hui. Ce caviar se caractérise par la jeunesse des esturgeons, qui ont moins de 3 mois. Leurs œufs sont beaux à l’œil, mais insipides en goût. » En se positionnant sur le segment du luxe, la filière Caviar d’Aquitaine IGP vise à contrer des productions internationales, moins qualitatives. Elle perpétue un savoir-faire séculaire, garant d’une tradition gastronomique et authentique.
« Nous sommes un peu les derniers des Mohicans, à proposer des caviars qui ont de la longueur en bouche et de la complexité aromatique. Nos pratiques aquacoles sont écoresponsables et écodurables, elles font la part belle au bien-être animal. »