Le bon lait de la bordelaise
Par Guélia Pevzner
35 vaches, 35 chèvres et 5 ha de terres sous céréales, la production de fromages frais et de tommes, du beurre doux et salé, ainsi que de toute une gamme des yaourts, reste à taille humaine. Isabelle et Laurent Tite travaillent avec leurs trois enfants. Laure s’installe à son compte pour continuer de développer la fromagerie caprine, Noëlle s’exerce dans le métier de vanneur et Albin a installé des ruches sur l’exploitation qui est entièrement bio. Le lait transformé est unique : avec le Conservatoire des races d’Aquitaine, la Ferme de Jarouilles est à l’origine du développement de l’ancienne race de vache locale, la bordelaise.
Une petite chèvre curieuse nous accompagne lors de notre visite de l’exploitation. Laure Tite la prend dans les mains pour la ramener à la bergerie. Les chèvres, c’est sa spécialité : elle vient de se mettre à son compte dans la ferme de ses parents, Isabelle et Laurent, pour développer encore plus l’activité laitière caprine et produire des tommes de chèvre. Les grands-parents maternels de Laure ont acheté l’exploitation dans les années 70. Maintenant, les trois petits-enfants sont impliqués dans les activités de la ferme. Abel, le frère ainé de Laure, même s’il travaille comme ingénieur–agronome dans une entreprise de vente de semences potagères, a installé des ruches. Noëlle, la sœur cadette, a choisi la vannerie, production d’osier et fabrication de paniers. A l’époque des grands-parents, c’était juste un élevage laitier de vaches et de pigeons de chair. Petit à petit, le nombre de vaches a augmenté, les Tite produisent du fromage depuis 2004, l’atelier caprin a été développé depuis 2009. De la production conventionnelle, la ferme est passée à l’agriculture bio.

En quête de différence et d’évolution
« Les années 70 étaient des années de questionnement pour l’agriculture locale, raconte Laure, on a commencé le bio par conviction et parce que c’était dans notre logique de production. Mes parents ne se sont jamais reposés sur leurs acquis, ils ont essayé de s’adapter au marché tout en étant en accord avec leurs convictions. Ça n’a pas toujours été facile, mais on ne regrette pas. Et ils nous ont transmis cette fibre agricole, cette remise en question. Moi, ça m’a toujours intéressée, nous avons été élevés dans un esprit de quête de la différence, d’évolution. On essaie de mettre une énergie conviviale et familiale dans ce que l’on fait.»

Avec une gamme d’une trentaine de produits différents (fromages de vache et de chèvre, yaourts nature et aux fruits, beurre…) le magasin est ouvert chaque soir. On peut également les trouver dans quelques AMAP et Bioocop de la région. « Nous travaillons  en direct avec chaque magasin, les responsables des rayons frais nous passent leurs commandes chaque semaine, explique Laure, nous sommes rentrés dans la mouvance AMAP et Bioocop dès le début, ils ont commencé en 2000, et nous sommes arrivés avec nos fromages bio en 2005, juste après la construction de la fromagerie. Nous avons pris la vague qui nous arrivait dessus. » Avec cinq personnes à temps plein dont deux salariés (Jean-Claude est là depuis 25 ans, Natasha depuis plus de dix ans), la ferme ne cherche pas à augmenter sa production qui reste stable et arrive à suffire à la commande au regard du type de commercialisation. Depuis quelque temps, l’entreprise travaille également avec la restauration collective et la plateforme territoriale des produits bio locaux « L’isle mange bio », association des producteurs de la vallée de L’Isle. « C’est un petit réseau mais il fonctionne pas mal, et on a d’ailleurs contribué à sa création.»

Avec le Conservatoire des races d’Aquitaine
Avec des vaches montbéliardes et quelques normandes, les Tite ont commencé à chercher une race avec un lait particulier, adapté aux fromages qu’ils voulaient faire, plutôt riche en matière grasse et en protéines. Finalement, le choix s’est arrêté sur une ancienne race qui existait auparavant dans la région, la bordelaise, dont il ne restait qu’une dizaine d’éléments. Pour la redynamiser, il a fallu développer les taureaux, et suivre un programme d’inséminations artificielles et de saillies naturelles avec d’autres types de vaches, le tout élaboré par le Conservatoire des races d’Aquitaine. La ferme de Jarouilles, avec cinq ou six autres exploitations, s’est mise à l’œuvre. Aujourd’hui, il y a dans la région à peu près deux cents vaches bordelaises.

« Pour les chèvres, on a une race alpine, classique et bien répandue, mais je pense que je vais également m’orienter vers une race plus locale et plus rustique, la poitevine ! » dit Laure. « Dans notre région, on est à la frontière de deux races, la poitevine qui est plus au nord et la pyrénéenne au sud.  J’ai essayé la  pyrénéenne, elle ne me correspond pas en termes de tempérament. »  Engagée personnellement au Syndicat de la confédération paysanne (co-secretaire départementale pour la deuxième année), Laure  suit de près les porteurs de projets qui veulent s’installer à leur compte. « Il y a des jeunes qui s’installent et les idées qui fusent, surtout en maraichage. Y compris un collègue qui s’est installé en attelage de chevaux sur la commune pour notamment transporter les enfants chez nous, quand on fait l’accueil à la ferme. »  Pour satisfaire la demande que Laure dit « phénoménale », Les Tite développent le projet d’accueillir des groupes, notamment des groupes d’enfants et de lycéens. « On sent le besoin, parce que ce lien avec la terre et l’élevage est sorti de notre culture, les gens veulent le rétablir.»

Ferme des Jarouilles
36 Les Landes
33230 Coutras
Tel : 05 57 49 28 20

Un article produit dans le cadre de l’application Adresses Gourmandes.

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