Il faut 3 jours à Béatrice Narbeburu pour assurer la transhumance de son troupeau de Basco-Béarnaises vers les pâturages à 2000 m d’altitude. Ses brebis y resteront plusieurs mois, le temps de prendre des forces pour donner ensuite le bon lait à l’origine du fromage AOP Ossau-Iraty. Visite au cœur d’une exploitation fermière…
À Lanne-en-Barretous (64), dans le Béarn, Béatrice a repris la ferme familiale il y a plus de 30 ans. Depuis 2021 et pour sa plus grande satisfaction, son fils ainé travaille avec elle. À eux deux, ils gèrent 350 brebis et 120 agnelles, sans parler des 50 Blondes d’Aquitaine qui ruminent paisiblement à côté ! Avec le lait de leurs brebis Basco-Béarnaises, ils ont choisi de produire du fromage fermier AOP Ossau-Iraty, conformément au cahier des charges de l’Appellation d’origine contrôlée.
Quand je me suis installée, par respect pour les bêtes, j’ai tout de suite voulu leur donner du foin sec à manger, sans utiliser d’ensilage ni d’aliments fermentés. La suite m’a donné raison puisque nous avons gagné en quantité et en qualité de lait. Dans les concours, notre fromage plait !
Ce choix d’alimentation correspond totalement à l’exigence de l’AOP Ossau-Iraty : le fromage est obligatoirement issu du lait de brebis élevées au Béarn et au Pays basque, nourries principalement dans les pâturages, ou avec du fourrage sec. L’apport occasionnel de céréales doit être sans OGM. Afin de respecter l’identité géographique de la production, trois races locales de brebis sont acceptées : la Manech Tête noire, la Manech Tête rousse et la Basco-Béarnaise.
L’estive, une cure de bien-être
Retour sur la route qui mène à la cabane d’été. Aidés de leurs chiens, Béatrice et son fils accompagnent leurs 350 brebis à pied, perturbant parfois la circulation des voitures. Mais devant ce joyeux spectacle, les automobilistes font preuve de patience. « Nous cheminons au rythme des bêtes. Si elles sont fatiguées après 5 h de marche, nous nous arrêtons », explique Béatrice, heureuse de conduire son troupeau dans la montagne. « L’estive les fortifie et les rend plus résistantes ensuite lorsque le froid arrive. C’est leur cure de remise en forme ! »
Là-haut, pas de traite quotidienne puisque les brebis qui montent sont taries. D’autres producteurs traient en montagne et fabriquent la haut l’AOP Ossau-Iraty fermier d’estive. Mais dans tous les cas, une période de tarissement d’au moins 100 jours dont les mois de septembre et octobre est inscrite dans le cahier des charges de l’AOP Ossau-Iraty, afin de laisser les bêtes au repos plusieurs mois. Puis les jours raccourcissent, l’automne s’installe. Après leur séjour en altitude, il est temps pour les animaux de rejoindre la ferme.
L’agneau tète 3 semaines
Pendant 3 mois, à partir de fin octobre, les bêtes restent au chaud dans la bergerie, et mangent les fourrages secs. « Dès février, nous commençons à les sortir tous les après-midi. Le lait est bien plus gras et riche lorsqu’elles vont dehors et se nourrissent d’herbe », constate Béatrice.
Car la traite a redémarré. De novembre à juillet, deux fois par jour, 7 jours sur 7, Béatrice et son fils recueillent à peu près 2 litres de lait par brebis. Après une gestation de 5 mois et l’agnelage, le petit tète sa mère pendant 3 semaines. Les fermiers prennent ensuite la relève pour récupérer le précieux lait. Béatrice le reconnait, c’est la saison qu’elle préfère : « L’été, nous devons assurer les fauches, avec beaucoup de stress selon la météo. Alors que l’hiver, nous nous concentrons sur la fabrication du fromage. Tout notre lait est transformé à la ferme, et les tommes sont affinées ici également. »
Entre 10 et 12 tonnes d’AOP Ossau-Iraty sortent de l’exploitation chaque année, dont 1/3 est commercialisé en vente directe sur place. « Contrairement aux laiteries, notre fromage est confectionné avec le lait d’un seul troupeau, il n’y a pas de mélange. » Cette précision est importante car Béatrice le constate, le lait est différent selon les saisons. « Le fromage produit pendant l’hiver est très doux alors que celui d’été, là où les bêtes sont en plein air, est plus riche. Il y en a donc pour tous les goûts ! ».
Les fromages de Béatrice sont au lait cru, comme tous les Ossau-Iraty fermiers. L’Ossau-Iraty de fromagerie peut être au lait cru également mai il existe aussi au lait pasteurisé ou thermisé.
Le signe ? Une tête de brebis sur la croûte
L’AOP Ossau-Iraty est un fromage à pâte pressée non cuite. Ses étapes de fabrication sont bien définies : chauffé à une trentaine de degrés, le lait caille sous l’action de la présure. Après brassage, la motte solidifiée est ensuite mise dans des moules pour être égouttée, afin d’extraire le petit lait. Salée et pressée, la tomme prend sa forme définitive ; bien à l’abri, elle va être affinée pendant au moins 120 jours, voire bien plus. 5 à 6 litres de lait sont nécessaires pour confectionner 1 kg de fromage.
Comment reconnaitre qu’il s’agit bien d’un produit AOP ? Avant l’affinage, les producteurs estampillent chaque croûte. Avec quelques nuances : une tête de brebis de face signale un fromage fermier. Si la tête est de profil, il provient d’une fromagerie. Enfin, les fromages AOP Ossau-Iraty fermiers d’estive, quant à eux, cumulent une tête de face et un dessin d’edelweiss. Une étiquette avec un bandeau rouge complète ces marquages.
Avec environ 4000 tonnes de fromage par an, la filière de l’AOP Ossau-Iraty est très dynamique. Elle réunit plus de 1100 producteurs de lait et 180 producteurs fermiers. D’ailleurs, à la ferme de Béatrice, un second fiston va bientôt arriver sur l’exploitation. La maman le reconnait, « la meilleure des récompenses pour mon travail, c’est la transmission ». Au cœur du Béarn, la relève est assurée !
En savoir plus sur l’AOP Ossau-Iraty et consulter la page dédiée à Ferme Maysonnave de Béatrice Narbeburu.