
Ses grandes oreilles noires le protègent du soleil, lui qui passe ses journées dans les prairies verdoyantes du Béarn et du Pays basque. Le porc Kintoa est herbivore, « calme et facile à élever », selon Daniel Larrieu. Allons voir de plus près cette race basque, qui a bien failli disparaitre…
La filière du porc Kintoa AOP doit beaucoup à Pierre Oteiza qui entreprit, dans les années 90, de sauver cette race typique du Pays basque. Elle est depuis distinguée par une Appellation d’Origine Protégée (AOP). Dans le sillage de ce passionné, plusieurs agriculteurs se sont lancés dans l’élevage de cet animal, à commencer par Daniel Larrieu, implanté près de Navarrenx. « Je représente la 3e génération sur l’exploitation familiale. Au départ, j’avais des vaches laitières mais après un accident qui m’a immobilisé plusieurs mois, j’ai réorienté mon activité vers du bovin à viande et du porc. »
Seul sur son exploitation, Daniel s’occupe de ses bêtes et cultive les céréales dont il a besoin pour les nourrir, de façon à être autonome. L’indépendance est d’ailleurs une notion importante pour lui ! « Si j’ai choisi le porc, c’est que la filière me donne la liberté de produire, de vendre, de transformer comme je le souhaite. » Il est toutefois épaulé par son épouse Sandrine qui s’occupe de la commercialisation après son travail à l’extérieur, et aide Daniel à la transformation des animaux.

Du noir sur les fesses mais pas sur les pattes !
Dans sa ferme Lompré de Haüt, à Bastanès (64), Daniel élève 120 porcs Kintoa – dont le nom vient de l’ancien droit de quinta, autrefois versé aux rois de Navarre. Lorsqu’elles arrivent dans l’exploitation, les jeunes bêtes de 3 mois pèsent 30 kg. « Je les maintiens à l’intérieur des bâtiments pendant 3 jours, le temps qu’elles s’habituent à moi, puis j’ouvre les portes et elles circulent librement dans les bois et les prairies. C’est leur environnement naturel puisque ce porc est herbivore. »

« Nous élevons 35 porcs à l’hectare avec une densité très faible dans les prés, suivant le cahier des charges de l’AOP. »
Pendant plusieurs mois, le jeune cochon se nourrit exclusivement de châtaignes, de glands, d’herbe et de céréales. « Cet animal est très calme, facile à élever, constate Daniel. Je le vends lorsqu’il a minimum 1 an. Sa carcasse atteint près de 100 kg. »
Mais attention, ce cochon a des critères esthétiques spécifiques. Un groin tout rose, sur lequel retombent de grandes oreilles… et de belles zones foncées bien réparties sur le pelage. Les taches noires doivent être sur la tête, les oreilles, le corps et les fesses mais pas descendre sur les pattes. Et plus précis encore : la tache noire située sur le dos de l’animal, que l’on appelle le béret, ne doit pas toucher celle des fesses et de la tête ! Quant aux truies, la capacité à nourrir leur progéniture est également encadrée : 14 tétines minimum…

Prix de beauté pour madame Kintoa
Bingo pour Daniel en février 2025 : pour sa première participation au Salon International de l’Agriculture à Paris, il a décroché le 1er prix du Concours général agricole dans la catégorie espèce porcine avec une de ses truies.
« C’est une reconnaissance pour mon travail d’éleveur, et pour toute la filière Kintoa AOP. J’envisage par la suite de concourir avec mes produits transformés, pourquoi pas de la longe ou du jambon. »

Car Daniel ne se contente pas d’engraisser les porcs, il assure aussi la fabrication de spécialités qui régalent les gourmets. « Au salon de l’agriculture, j’ai rencontré d’anciens bouchers qui sont venus me voir et m’ont donné plein d’astuces et d’idées pour expérimenter de nouvelles recettes ».
Un goût persillé, incomparable
Dans le laboratoire de Saint-Jean-Pied-de-Port qu’il partage avec d’autres éleveurs, Daniel produit de la viande fraîche -côtes, échines, saucisses, travers, boudins, etc.-, des salaisons -copa, ventrèche, jambon…- et des conserves, comme du jambonneau ou des pâtés. Daniel l’assure, « le Kintoa offre une saveur unique, qui n’a rien à voir avec le porc rose. Le nôtre est parfumé, grâce à son alimentation naturelle. Le gras présent dans les muscles donne une viande persillée, à la couleur rouge soutenue. »
Les spécialités transformées sont achetées par des restaurateurs, ou bien vendues à la ferme et dans certains points de distribution à Oloron, Pau, Orthez et Mourenx. Une épicerie à Navarrenx commercialise également ses produits.

Régulièrement, Daniel échange avec ses clients, rencontrés sur des marchés, ou pendant sa traditionnelle journée portes ouvertes en juin. Il apprécie particulièrement ces discussions directes, qui lui permettent d’affiner certaines recettes ou d’en créer d’autres. Car Daniel ne tient pas en place. Son truc, c’est d’essayer et tester des nouveautés. En ce moment par exemple, il approfondit la fabrication de l’andouille.
Actuellement, 72 producteurs élèvent et engraissent des porcs Kintoa AOP au Pays basque et dans les cantons limitrophes. Alors il faut pousser les murs : Daniel monte un dossier avec d’autres collègues pour construire un laboratoire plus grand, et tout neuf, un outil de travail indispensable pour pouvoir produire ses futures délicieuses andouilles…