Pourquoi appeler une propriété viticole “Le domaine du Paon perché” ? La réponse coule de source, ou plutôt des barriques, en dialoguant avec German Mulet, l’un des deux dirigeants, qui assume la volonté de casser les codes et de développer une approche innovante au milieu des vignes.
Une pointe d’accent traduit les origines argentines de cet œnologue formé à Bordeaux, qui a d’abord fait ses preuves en Belgique avant de se tourner vers la France pour vivre de nouvelles aventures. La rencontre avec l’association Vignes d’Avenir et l’opportunité de réhabiliter un domaine à l’abandon à Jaunay-Marigny (86) vont être déterminantes. « Avec Valentin Ramel, chargé de la communication et du développement commercial, nous souhaitions unir nos expertises pour créer de bons vins, mais pas que. L’idée était d’aller plus loin, en alliant viticulture, réinsertion sociale et développement des ressources du territoire. »
Admirer les plumes du paon
German, Valentin et l’équipe de Vignes d’Avenir perçoivent assez vite les possibilités offertes par ce domaine atypique réunissant 20 ha de vignes, 40 ha de forêts, des terres agricoles, un vieux manoir du 14e siècle… et une cave troglodyte. « Les vignes étaient certifiées bio, ce qui correspondait à notre démarche, et l’environnement était idéal pour développer de l’œnotourisme », se souvient German. Seul bémol : la propriété perchée sur les hauteurs était à l’abandon, avec pour unique touche de couleur dans ce paysage un peu désolé, un paon, habitant historique du site. Sa roue éblouissante inspira le nom de la marque des vins produits ici. Le Domaine du Paon Perché était né !
Un autre modèle d’excellence viticole
Que les amateurs de bons crus ne s’y trompent pas : malgré la fantaisie exprimée dans ce nom, les deux œnologues sont intransigeants sur la qualité de leurs vins. Alors que la capacité de production du domaine est de 120 000 bouteilles, ils choisissent de n’en produire que 40 000 la première année, en 2023, en sélectionnant les raisins issus des meilleures parcelles. Ils créent les cuvées Sauvage, faite avec du Sauvignon Blanc, et Vertical, mêlant Sauvignon Blanc et Gris. Ce dernier est aussi à l’origine de leur cuvée Fié comme un paon. L’excellence fait bon ménage avec l’humour !
Ces blancs bénéficient de longues macérations dans des cuves en inox, en béton ou en barriques, avec des raisins récoltés de nuit afin d’en conserver toute la fraîcheur.
Horizontal est à ce jour leur seule cuvée de vin rouge, 100 % Pinot Noir. Les vendanges sont manuelles, et l’élevage en barriques respecte le cahier des charges Demeter, « mais les barriques ne sont pas neuves pour ne pas masquer le goût du fruit », revendique German.
Ces efforts sont couronnés de succès : leurs vins ont reçu la médaille d’or au concours mondial de Bruxelles, et ont attiré l’attention du guide Michelin, qui va convier l’an prochain 10 chefs étoilés à venir cuisiner sur le domaine.
La belle proximité du Futuroscope
Il se trouve que Jaunay-Marigny est tout à côté du parc du Futuroscope, une occasion idéale pour tirer parti du reste de la propriété et développer l’animation touristique. 30 hébergements ont été aménagés dans les bâtiments existants, et la grotte est devenue un lieu de réception pour les 2000 à 3000 personnes accueillies sur le domaine tout au long de l’année.
« En organisant des festivals gastronomiques, des séminaires, des événements ou une offre d’œnotourisme, nous avons la volonté de contribuer à mettre en valeur cette région », confirme German, très attaché à renforcer l’attractivité du territoire en Poitou-Charentes.
Insérés et qualifiés pour le vin et le tourisme
Tout ce projet viticole et touristique ne serait rien sans la volonté d’y adosser une action solidaire. L’appui vient de l’association Vignes d’Avenir, spécialisée dans la réinsertion sociale autour des métiers de la vigne et du vin. German détaille le dispositif :
« Nous accueillons sur le domaine des personnes très éloignées de l’emploi, pour les former aux métiers de la vigne et du vin. »
« Le cursus, qui mixe cours théoriques et pratiques, est validé par l’obtention d’un CQP d’agent viticole (certificat de qualification professionnelle). Nous formons actuellement 7 salariés en insertion. »
Et pour aller plus loin, les deux dirigeants ont également créé une entreprise d’insertion, plutôt fléchée vers les chômeurs de longue durée ou en voie de reconversion. Ils préparent un CQP agent hôtelier, en travaillant dans les structures touristiques et réceptives du domaine. « Depuis 2023, nous atteignons un taux de réinsertion de 95 %, ce qui est exceptionnel », précise German, dont l’ambition est d’accompagner 25 stagiaires sur les deux dispositifs.
L’année 2024 et son cortège de mildiou et de grêle ont freiné le développement des projets. 100 % de la récolte a été perdue. Loin d’être découragés, German et Valentin visent encore plus haut. La reconnaissance du Michelin, les médailles reçues pour leurs vins, la perspective de remettre en selle davantage de personnes précaires, toutes ces réussites les poussent à viser une production de 80 000 bouteilles en 2025. Sans transiger sur la qualité, bien sûr. Du haut de son perchoir, le paon y veille…
