Du merlu en ligne directe
Par Sonia Moumen
Christophe Inda pêche artisanalement le merlu depuis le petit port de Saint-Jean-de-Luz, une pêche exclusivement à la ligne. Une technique artisanale qui offre une alternative à la pêche au chalut et au filet. Sur l’Agur, en compagnie de son labrador et de ses deux matelots, il part à la journée dans le Golf de Capbreton et ramène des poissons dont l’origine et la fraicheur sont garantis.
Agur, c’est le nom du bateau de pêche de Christophe Inda. Agur signifie « bonjour » en basque. Quand il est monté pour la première fois sur l’Agur, Christophe avait six ans et le bateau était tout neuf. Le petit garçon d’alors accompagnait pour la première fois son papa, marin-pêcheur. Quatre décennies plus tard, l’Agur a pris quelques rides, Christophe aussi, mais le compagnonnage ne s’est jamais interrompu. « Mon grand-père, mon père, mes oncles étaient marins-pêcheurs ici à Saint-Jean-de-Luz. J’étais dedans.» précise Christophe en déroulant, comme une évidence, le chemin tout tracé de son parcours : école de pêche à 14 ans « l’équivalent d’un CAP », navigation comme matelot à 17, suivie de « l’école de patron pour pouvoir commander ». À 21ans, le voilà à la tête de l’Agur. « Depuis, je n’ai rien changé, je l’ai modernisé et beaucoup entretenu. Il est en bois et le bois demande beaucoup d’attention.»

Quand on lui demande pourquoi il n’en a pas changé durant toutes ces années, Christophe réplique de son accent basque chantant : « Il me suffit. Je le connais parfaitement : j’ai passé plus de temps dans ma vie sur ce bateau que sur terre ! » Le patron-pêcheur et son bateau, deux inséparables compagnons que les sirènes de la modernisation et de la course à l’équipement, n’ont pas réussi à diviser : « bien sûr qu’il y a plus performant, mais il me suffit. La plupart des bateaux flambants neufs ont fait banqueroute. Je ne suis pas dans la surenchère. Je travaille, c’est sûr mais je veux aussi profiter de la vie.» Profiter de la vie pour Christophe, c’est par exemple s’offrir tous les ans un beau voyage avec Thomas, son fils unique aujourd’hui adolescent. Cette année, ce sera la Colombie. Pour le reste, il pêche, il pêche et pêche encore.

L’homme qui aimait la mer et les beaux poissons
Principalement du merlu de ligne de Saint-Jean-de-Luz. Pourquoi « de ligne et de Saint-Jean » ? Le merlu (Merluccius merluccius) n’est-il pas ce poisson assez commun présent sur les côtes du littoral atlantique français et méditerranéen, parfois nommé merluchon lorsqu’il est de petite taille ? Jusqu’ici, rien de très singulier. Ce qui fait la particularité du Merlu de ligne de Saint-Jean-de-Luz, c’est son mode de pêche (à la ligne et à la journée) et son lieu de pêche (la fosse de Capbreton dans le Golfe de Gascogne). 2h30 de route aller, autant pour le retour. Sur son petit bateau de 11 mètres, Christophe embarque avec son plus fidèle compagnon : son labrador et un équipage réduit. Départ à 3 heures du matin. Il fait nuit. « J’aime la mer. Je ne peux pas vivre sans. Mon moment préféré, c’est la nuit. Mon équipage dort. Je suis tout seul avec mon chien. Je suis tranquille.» Tranquille jusqu’à la préparation des palangres, une technique impressionnante pour mettre à l’eau en un temps record 1800 à 3000 hameçons au bout desquels de jolies sardines fraiches servent d’appât. Christophe aime le poisson pêché de la sorte : « il est plus beau, il est vivant quand on le remonte, il n’est pas étouffé, pas abîmé, ce n’est pas un poisson noyé.» C’est vrai qu’ils sont superbes ces merlus aux écailles luisantes, à l’œil rond et à la chair ferme.

Le retour au thon rouge
Quand la saison du merlu (avril à septembre) s’achève, Christophe pêche du thon. Après des années d’interdiction et de quotas, il a à nouveau obtenu une licence en 2015. Là encore, c’est à la ligne qu’il taquine le thon rouge. Il aime ce mode de pêche à la journée qui lui permet d’être tous les jours chez lui et de commercialiser son poisson dès le lendemain matin. Depuis 2011, il en vend une partie « à la table » sur le port de Ciboure. En vente directe, le merlu s’achète aux alentours de 10 euros le kilo, 21 euros pour le thon tranché. Ils sont peu nombreux à avoir opté pour ce mode de commercialisation, la plupart des pêcheurs livrant la totalité de leur pêche à la criée et aux restaurateurs. « C’est un métier passion, sinon tu ne peux pas le faire. Tu ne gagnes pas toujours ta vie, tu es crevé, il y a des contraintes mais c’est le métier que j’aime.» conclut Christophe avec un regard pour son fils qui voudrait devenir kinésithérapeute. « Il a raison d’aller voir un autre métier. Il pourra venir à la pêche après si il veut ». Et si l’Agur tient toujours aussi bien les flots.

Christophe Inda
Vente à la table, selon arrivage
Quai Pascal Elissalt
64500 Ciboure
tél : 05.59.51.61.15

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Merlu de Ligne

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