La madone des Landes fermières
Par Sonia Moumen
Céleste a beau porter un prénom qui pousse à l’élévation, elle n’en a pas moins les pieds sur terre. Et quelle terre ! Celle de la famille de son mari Jean, originaire des Landes, qu’elle a épousé en 1978, alors qu’elle était encore toute gaminette. « Mes beaux-parents nous ont donné une superficie et nous ont dit : vous ferez du maïs et des volailles.» Son truc à Céleste, ce n’était pourtant pas d’être agricultrice, mais comme, jusqu’ici, personne ne lui avait laissé le choix de ses choix…
« On m’a sortie de l’école à 16 ans. Mes parents étaient d’origine portugaise, j’étais la deuxième de sept enfants. 7 bouches à nourrir ! Imaginez ! On m’a trouvé un travail chez le Docteur Puyo à Lit-et-Mixe. Là-bas, jusqu’à mon mariage, j’ai fait de tout : les rendez-vous, les visites, les pansements, la garde des enfants… Et puis à 19 ans, je me suis mariée.»
L’apprentissage sur le tas
Et en épousant un fils d’agriculteur, Céleste devient femme d’agricultrice. Elle apprend le métier sur le tas jusqu’à ce que les beaux-parents arrêtent totalement leur activité et que le jeune couple la reprenne. Ils décident alors de varier les élevages et pour Céleste de se former pour obtenir son Brevet d’études professionnelles agricoles (BEPA) : « ils pensaient que j’avais les capacités physiques mais pas intellectuelles pour diriger une société ! » en rit-elle encore, « j’ai appris à faire les comptes de résultat, les bilans, à calculer les marges, à faire la compta.»
Et voilà que le destin de Céleste, fille de chevrier portugais, arrivée en France en 1965 à l’âge de 7 ans sans parler un mot de français, prend forme. Car pour avoir les capacités intellectuelles, elle les a ! Surtout pour avoir l’intuition de ce qu’il faut faire en matière de développement et de diversification de l’exploitation. « A l’époque nous vendions nos volailles vivantes à la coopérative, mais moi je voulais revenir à un poulet plus fermier, mieux fini et qui soit prêt à cuire. C’était ce que les gens voulaient.» Et c’est ce qu’ils veulent toujours : la Ferme de Lanès vend maintenant l’essentiel de ses volailles (90%) en prêt à cuire. Du poulet, mais aussi des cailles, des canettes, des pigeons, des pintades abattus sur place depuis 2004. « Le permis de construire pour la salle d’abattage, on l’a attendu deux ans. Ils y allaient à l’endurance pour qu’on abandonne, mais on a tenu!» Car elle est comme ça Céleste, entêtée quand elle croit qu’elle a raison, astucieuse quand il faut faire face à l’adversité.
Un peu d’adversité, beaucoup d’inventivité
Et l’adversité en aviculture, c’est un peu comme le ciel, elle peut vite vous tomber sur la tête. Comme avec la grippe aviaire où les volailles de Céleste se portaient comme un charme, mais les clients, inquiets, les boudaient. Il n’en faut pas plus pour l’inventive éleveuse : puisqu’elle ne peut plus vendre ses volailles fraîches et qu’il faut bien en faire quelque chose en attendant une presse plus clémente, ce sera des conserves. Elle s’équipe d’un autoclave et d’un stérilisateur à bocaux, et, un stage de formation plus tard, Céleste se lance dans le poulet piperade, le poulet en gelée et le pâté de poulet « des recettes que je faisais jusqu’ici pour moi.»
Le succès est immédiat et depuis, la gamme s’est bigrement agrandie, avec une vingtaine de petits plats. Ses conserves à succès ? Le poulet à l’oignon introduit à sa carte en 2004 « c’est tout simple, les gens n’en reviennent pas », le salmis de pintade (à base de Côte de Bordeaux Saint-Macaire, un vin blanc doux liquoreux), la caille aux raisins. « Les recettes, elles tournent dans ma tête plusieurs fois. Je les fais ensuite pour nous. Je ne ferai jamais en conserve un plat que je n’ai pas mangé avant » précise celle qui a tourné longtemps autour de sa poule au pot et qui, en ce moment, a une recette qui lui « trotte dans la tête ». Du vrai fait maison, voilà ce que revendique Céleste, tout en écoutant son autoclave au travail et en retournant la petite quinzaine de pots de confiture de framboise qu’elle vient de mijoter.
« J’ai fait ce que j’avais à faire »
Pour la troisième fois en une heure, une cliente fait tinter la porte d’entrée de la petite boutique installée dans la cour de la ferme. L’accueil de Céleste est toujours tonique et aimable, les commandes prêtes, sagement rangées dans l’arrière-boutique. Ici l’agricultrice joue à la marchande : outre ses volailles et une belle gamme de conserves (les siennes et celles d’autres producteurs amis), elle vend ses légumes et ses fruits « les gens me voyaient avec mes brouettes pleines de tomates, de piments et de haricots. Ils en ont demandé. La vente de fruits et légumes ? Elle est née de la demande des clients ! » précise cette incroyable petite bonne femme aux yeux rieurs et à l’accent chantant. Et pour celle qui est retournée au Portugal pour la première fois en 1982, et dont les parents portugais ne sont jamais repartis, pour celle dont les enfants vivent à proximité immédiate et sont très impliqués dans l’exploitation, il n’y a aujourd’hui qu’une certitude : « J’ai fait ce que j’avais à faire. Ma vie, elle est ici.»
Ferme de Lanès
Céleste Larrieu
184 chemin des Lanès
10170 Saint Julien en Born
tél : 05 58 43 16 37
Un article produit dans le cadre de l’application Adresses Gourmandes.