Tourtière mode grand-mère
Par Guélia Pevzner
Au pays des pruneaux d’Agen, Elodie Chauvel fabrique la tourtière aux pommes, spécialité ancienne du Lot-et-Garonne. Mais ce ne sont pas les pruneaux qui manquent à l’exploitation. Avec les fraises et les melons, c’est même l’activité principale de la ferme. La quasi-totalité de la récolte est destinée à une coopérative, mais dans la boutique, sur place, on trouve également tomates, aubergines, courgettes et autres concombres et abricots. On en achète quelques-uns quand on vient voir Elodie  travailler la pâte pour les tourtières à l’ancienne, sucrées et légères, comme sa mère et sa grand-mère le lui ont appris.
« On a seulement deux ans de différence avec mon frère, on a grandi ici, ensemble, sans connaitre les colonies de vacances. Nos vacances, c’était de construire les cabanes et les radeaux sur le Lot, on est juste à 50 m de rivière.» Elodie nous raconte son enfance tout en travaillant la pâte de la tourtière, gâteau traditionnel de Lot-et-Garonne aux pommes et à l’armagnac. C’est sa mère qui lui a enseigné les gestes qu’elle exécute.

Le père d’Elodie a acheté la ferme il y a 45 ans. Il n’avait que 20 ans, les grands-parents habitaient de l’autre côté du village, sur une petite exploitation. “Pour ces projets, il avait besoin de plus d’espace, continue Elodie, à l’époque, ici, il y en avait suffisamment mais, pour ce qui concerne les constructions, il n’y avait que cette grange ou actuellement se trouve le coin de la tourtière et un petit gite en terre battue, mes parents habitaient dedans.

La ferme actuelle est grande, bien décorée avec des éléments naturels, la boutique spacieuse, le “coin tourtière” ou travaille Elodie, est rempli de soleil qui rentre par de larges fenêtres. “Vous parlez à votre pâte comme si c’était un être vivant”, s’étonne un garçon venu avec ses parents acheter le gâteau. “Mais oui, c’est ma copine, je passe mes journées avec elle. Madame est très capricieuse, il suffit que le temps soit un peu trop pluvieux, et elle change, devient compliquée à travailler. Parfois elle me dit, je ne peux plus faire plus fine, arrête-toi. Quand ce n’est pas fin, ça devient cartonné et moins bon

Les pruneaux d’Agen et autres fruits
Les fruits et légumes restent l’activité principale de la ferme. Les pruneaux d’Agen bien sûr, la ferme étant située dans la zone d’appellation, mais également les fraises gariguette, cléry et mara des bois, ainsi que le melon. Tous ces fruits (40 ha en totalité dont 35 sous les pruniers d’Agen) sont vendus par le biais d’une coopérative. « On a également des serres avec des productions maraichères, poursuit Elodie, tomates, aubergines, concombres, courgettes, salades, aussi bien que les fruits : pêches, nectarines, fruits rouges, abricots, petites prunes… On essaie d’avoir la plus large gamme possible, tout en produisant en petite quantité. Les légumes sont ramassés tous les jours et on les vend uniquement dans la boutique.»

Les pruneaux et toutes les grandes cultures sont produits en agriculture raisonnée. « Ça nous convient bien, entre le bio et le conventionnel, cela donne la liberté de choisir les produits de traitement. » Sous serres, la production intègre le biocontrôle. « Nous avons des insectes qui mangent d’autres insectes, par exemple, les coccinelles se délectent de pucerons.» La ferme emploie José et Fernande qui arrivent en mars et repartent au Portugal fin septembre. Pierre, le père, comme souligne Elodie, n’est à la retraite que sur le papier, «nous le sollicitons tout le temps.» Mais les responsabilités sont partagées entre frère et sœur : « Jean-François s’occupe de la production, et je suis à la vente et… à la tourtière ! “

La tourtière
Ce gâteau, appelé également dans le Sud-ouest, “le pastis gascon”, vient du Moyen-âge, des invasions “des maures”. Apparentée à la pastilla marocaine à la pâte tout aussi fine, la tourtière est un plat sucré. « Elle n’a presque pas de gras et très peu de sucre, donc très légère, explique Elodie, qui raconte que sa grand-mère utilisait encore une plume d’oie pour graisser la pâte. » Elodie est bien mieux équipée, mais les moules traditionnels pour la tourtière, hauts, avec des bords arrondis, ont presque disparus de la région, « plus personne ne fait la tourtière, celles-ci ont été fait sous commande, en trois tailles. » Dans la région des pruneaux, on n’utilise que les pommes pour la recette, mais également l’armagnac ou l’eau-de-prune. Après 40 minutes de cuisson, l’alcool disparaît, ne laissant qu’un goût agréable.

La tourtière a sa foire, à Penne-D’Agennais, la manifestation a fêté cette année ses 45 ans. La mère d’Elodie y était primée plusieurs fois, pour le gout de son gâteau. « Mais vous auriez vu le gâteau qui a eu un prix pour le côté esthétique, on aurait dit une rose ! » Quelle est maintenant le but de cette activité, à laquelle Elodie s’applique chaque jour pendant la période estivale ? Apporter à la ferme d’autres prix ? « L’essentiel, c’est que les gens viennent voir comment je travaille !  Les fermes qui font des fruits et légumes, il y en a beaucoup, celles qui font la tourtière, il n’en reste plus qu’une dizaine ! Ça nous amène une autre clientèle qui  achète également quelques melons et tomates dans notre boutique. Et cela fait exister le gâteau de la région… »

La Ferme des Tuileries
47260 Fongrave
05 33 00 50 18

Un article produit dans le cadre de l’application Adresses Gourmandes.

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