Une ville qui ne manque pas de sel
Par Sonia Moumen
Celui qui imaginerait que la production de sel ne serait qu’une affaire de marais salants sur l’île de Ré ou en Camargue passerait sans nul doute à côté d’un sel produit au cœur du Béarn, plus précisément à Salies-de-Béarn. Une jolie bourgade bien nommée, située dans le piémont béarnais et connue depuis des siècles, comme une incontournable « cité du sel ».
Ici, pas de mers ou d’océans qui, jour après jour via de complexes systèmes hydrauliques, viendraient déposer leurs petits grains de sels, mais une source souterraine salée située à quelques kilomètres de là. Pour faire simple, il fut un temps lointain durant lequel la mer boréale déversa ses eaux avant de lentement s’évaporer et de laisser derrière elle des quantités considérables de sel. Puis, il fut un temps durant lequel ce sel fut recouvert petit à petit d’une couche argile protectrice qui, nous dit-on préserva le sel de toute pollution. Et puis, vint la formation des Pyrénées, avec leurs immenses failles qui firent remonter le sel. Et puis vinrent les eaux de pluie qui s’infiltrèrent dans le sol, dissolvant par là même « la précieuse roche saline » en se chargeant en oligo-éléments. Comme à Salies-de-Béarn, on est aussi chauvin qu’ailleurs, on revendique d’ailleurs des sources « d’une richesse minérale unique » et une eau « plus riche en sel que l’eau de la Mer Morte mais aussi dix fois plus salée que l’eau de mer. »
Une exploitation de « la source miraculeuse » bien avant Jésus-Christ
La légende raconte que l’on doit la découverte du gisement salé à un sanglier tentant d’échapper à ses poursuivants. La bête traquée « se réfugia dans un marais bourbeux où elle fut blessée par les chasseurs. Elle s’élança sur le coup et alla mourir au loin. On la suivit et on la trouva couverte de cristaux de sel produits par l’évaporation de l’eau de ce bourbier. C’est à cette découverte que la ville de Salies doit son origine ». Les historiens, eux, font remonter les origines de la cité bien avant, à l’Age de Bronze (-1 500 avant J-C), époque à laquelle le sel de Salies-de-Béarn était déjà extrait par évaporation de l’eau salée dans des pots en céramiques. Quel que soit le récit de cette genèse, il y a un élément incontestable : Salies s’est développé économiquement, socialement et culturellement par et pour le sel.
Quelle autre ville peut se targuer d’avoir eu pendant des siècles une fontaine d’eau salée en son cœur ? Quelle ville peut se prévaloir d’un règlement rédigé en 1587 par les habitants eux-mêmes pour réguler l’usage de cette fameuse Fontaine Salée. Consignés dans le Livre Noir, les neuf articles organisaient la répartition de l’eau salée entre « les voisins » : le prélèvement de l’eau n’était alors autorisé qu’aux « vraies » familles salisiennes et se transmettaient de génération en génération sous de strictes conditions liées au droit du sol et au droit du sang notamment. La découverte du texte de l’époque est d’ailleurs édifiante. On peut notamment y lire que « tout chef de maison et de famille, marié ou à marier, avec ou sans enfants […] tire sa quantité d’eau salée en tant que chef de maison et de famille, en observant l’ordre ancien selon lequel les chefs de maison se servent les premiers » ou encore « que les hommes, femmes, valets ou servantes ne puissent tirer aucune part de ladite eau, même si, par tolérance ou surprise, ils en ont déjà pris, tant qu’ils demeureront dans le susdit état de domesticité […] ».
Un système archaïque toujours en vigueur
Et si la société et le vocabulaire ont évolué depuis le XVIème siècle, si la source d’origine de la place du Bayaà n’est plus utilisée et a été remplacée depuis 1840 par celle de la Reine Jeanne d’Oraàs à quelques kilomètres du bourg, ce drôle de système est peu ou prou toujours d’actualité : on l’appelle les Part-Prenants, 500 familles au total, propriétaires à la fois des thermes et de la saline. Elles se partagent les revenus de l’exploitation du sel depuis cinq siècles même si ce ne sont pas eux qui exploitent en direct cette manne. Chaque année, chaque parts-prenant touche un chèque symbolique de 50 euros. Un drôle de système pour une eau saline qui n’a décidément pas grand chose en commun avec ses cousines issues des marais salants, elle qui est exploitée deux fois. D’abord en qualité de sel alimentaire, ensuite pour ses vertus thérapeutiques en pédiatrie, gynécologie ou rhumatologie. D’un côté des salines, de l’autre des thermes au charme très XIXème. Une canalisation relie d’ailleurs les deux établissements : l’eau une fois dessalée pour les usages alimentaires est envoyée aux thermes pour les soins aux curistes.
Une extraction spectaculaire pour l’obtention d’un délicat produit
Et si le thermalisme est architecturalement parlant le plus intéressant, l’extraction du sel alimentaire n’en reste pas moins impressionnante : à ciel ouvert, un bassin d’eau turquoise aux vapeurs brûlantes. Une mâchoire d’acier qui puise dans cette eau presque irréelle tant elle semble lumineuse, comme éclairée de l’intérieur. À la surface de l’eau, des pétales de sel d’une grande finesse qui se forment. La fameuse fleur de sel d’une légèreté et d’une blancheur immaculée. Dans le fond du bassin, le gros sel. À partir de ces deux sels égouttés et séchés durant trois mois, la société d’exploitation des Salines a développé une gamme de sels naturels ou aromatisés, sans oublier l’eau-mère (pour les soins) et le débouché principal : le gros sel est utilisé pour la salaison du jambon de Bayonne. Cahier des charges oblige ! Non, décidément les salines béarnaises n’ont pas grand chose à voir avec leurs cousines méditerranéennes et océaniques.
Société d’exploitation des salines de Salies-de-Béarn
Avenue des Salines – Quartier Herre
64270 Salies-de-Béarn
05 59 65 62 29
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