
Pour fabriquer ses Mothais sur feuille, Marc Dupont va lui-même en forêt récolter les feuilles de châtaignier. Ce sont elles qui donnent un goût si particulier à ce petit fromage de chèvre à pâte molle, dont la typicité vient d’être reconnue par une AOC officialisée fin 2024.
Un affinage d’au moins 3 semaines
Installé à Beaulieu sur Parthenay, dans les Deux-Sèvres, Marc a toujours fabriqué du Mothais sur feuille. Il s’est donc naturellement inscrit dans la démarche de labellisation AOC, même si elle implique de nombreux changements dans son organisation. « L’AOC Mothais sur feuille prévoit un délai pour que chaque producteur fermier se mette en conformité avec tous les points du cahier des charges. Mais j’ai l’habitude de m’adapter et d’être contrôlé puisque je travaille déjà selon les normes AOP du Chabichou Poitou. »

La singularité du fromage Mothais sur feuille tient aux échanges entre le lait cru de chèvre et les saveurs végétales des feuilles de platane ou de châtaignier. Marc a choisi ces dernières, qu’il cueille précisément après les premières gelées, lorsqu’elles sont sèches et encore sur l’arbre. « On pose la pâte dessus et les feuilles drainent le jus. De la sorte, elles s’imbibent de ce goût qu’elles restituent ensuite pendant les 3 ou 4 semaines d’affinage, réalisé dans une atmosphère à 12 ou 13°, avec 90 % d’humidité. Au final, on a un fromage toujours très moelleux, authentique, qui mérite cette distinction car il est vraiment différent des autres. Sur le marché de Niort, nous avons senti une hausse des demandes pour le Mothais sur feuille dès l’obtention de l’AOC. »



Les marchés donnent un sens à notre travail
Enfant, Marc suivait sa grand-mère qui vendait déjà la production de la ferme familiale sur les marchés locaux. C’est dire si ce mode de commercialisation est inscrit dans son ADN.
« Mes parents étaient exploitants dans la région et ma mère fabriquait du fromage, mais en petite quantité. Mon épouse Patricia et moi avons créé La Ferme de Barroux en 2018 en montant notre propre fromagerie. »
« Notre fille Léa nous a rejoints. Avec une autre salariée, elles alternent la vente sur les marchés et le travail à la fromagerie, et cette double fonction est essentielle à mes yeux. Elles présentent directement aux clients le produit qu’elles transforment. Alors forcément, elles en parlent bien ! »

Il faut dire que l’étal de Léa et sa collègue a de quoi séduire les gourmands ! Les amateurs de fromage y trouvent toute une palette de spécialités : Mothais sur feuille AOC bien sûr, mais aussi Chabichou du Poitou AOP, bûches nature ou cendrées, crottins, pyramides, pavés, briques, tomes nature ou aux fleurs… « rien que des fromages au lait cru. Chez nous, rien n’est pasteurisé », précisent fièrement Marc et Patricia, qui transforment ainsi chaque année 90 000 litres de lait de chèvre fournis par leur troupeau.
190 chèvres à traire et un pH à surveiller !
Dès 7 h 30, Marc est à la traite, qui va l’occuper pendant 1 h ½. Avec un cheptel de 190 têtes, et des pies gorgés de lait qu’il faut traire deux fois par jour, 7 jours sur 7, le rythme est soutenu. « Heureusement nous nous relayons avec nos employés, de manière à pouvoir souffler un peu certains week-ends. »
« Souffler », c’est vite dit car la Ferme de Barroux est une exploitation très diversifiée. Sur 140 hectares, on trouve la chèvrerie, mais aussi 65 vaches élevées pour la production de viande, des cultures de céréales et de fourrage afin de nourrir les bêtes en toute autonomie.

Bien sûr, le travail de transformation tient une belle place dans les emplois du temps. Pour la plupart des fromages, l’affinage dure 3 semaines, « jusqu’à 5 ou 6 pour les plus secs, pour lesquels nous avons une vraie demande car ils sont plus forts en goût », précise Marc, qui détaille les étapes de fabrication pour la gamme des lactiques : « Le lait frais commence par cailler pendant 24 h grâce à un pH très acide, autour de 4.40. Au bout de 48 h, on sale, on retourne et on moule la pâte. 72 h après, on répète ces gestes pour saler la 2e face et on tourne le fromage tous les jours afin de favoriser l’évaporation de l’eau et que l’acidité parte, sinon l’affinage n’est pas possible. Au fur et à mesure du séchage, nous arrivons à un pH d’environ 6. »
À titre d’exemple, il faut 10 litres de lait en moyenne pour réaliser 1 kg de tome. Tout dépend du type de fromage et du taux de matière grasse, variable selon les saisons.
Prudents, Marc et Patricia produisent plus de lait que nécessaire pour la fabrication de tous leurs fromages, et vendent le surplus à la laiterie d’à côté. En circuit court, comme toute l’activité de leur ferme !