Ce sont 250 chèvres qui nous accueillent dans l’exploitation de Jean-Frédéric Granger. Gambadant chaque jour dans les prairies, elles fournissent à l’éleveur un bon lait bio, qu’il transforme en un délicieux fromage, le Mothais sur feuille AOC.
« Je me suis installé en 1987 en GAEC pour élever des chèvres avec mon père, et nous avons appris à fabriquer des fromages. Les débouchés n’étaient pas si faciles jusqu’au jour où mon père a chargé notre production dans sa voiture et il est parti vendre sur les marchés. À partir de ce moment-là, nous nous sommes diversifiés et développés. » En racontant ses débuts, Jean-Frédéric mesure le chemin parcouru. L’exploitation située à Celle-Lévescault, dans la Vienne (86), représentait à l’époque 75 hectares. Aujourd’hui, le « Domaine du Parc » regroupe 95 hectares et emploie près d’une dizaine de personnes, dont 4 salariés à temps partiel et 3 apprentis. L’épouse et la sœur de Jean-Frédéric y travaillent également, plus particulièrement à la fromagerie où la moitié du lait des 250 chèvres est transformée en Mothais sur feuille.
La chèvre et le châtaignier, une histoire de bon goût
Le Mothais sur feuille est un fromage de chèvre à pâte molle, fabriqué avec du lait cru. De forme ronde cylindrique, d’environ 8 à 9 centimètres de diamètre, il tire son nom d’une originalité : la pâte est affinée sur une feuille de châtaignier. Comme l’explique Jean-Frédéric, l’élément végétal est très important : « On positionne la feuille de châtaignier après le démoulage et avant de rentrer le fromage au séchoir. La feuille pompe un peu d’humidité du fromage qu’elle lui restitue après, tout au long de l’affinage. » Autre précision, les feuilles de châtaignier sont cueillies dans les arbres après la première gelée, vers la fin du mois d’octobre.
« Cette interaction à l’affinage entre la pâte au lait cru et la feuille de châtaignier donne un fromage qui reste crémeux, avec un goût si particulier. »

Reconnaissance par une AOC
Grâce à cette typicité, le Mothais sur feuille a obtenu une AOC en 2024, qui fixe les critères de production, et garantit aux consommateurs le respect d’un cahier des charges bien précis : les chèvres doivent pâturer ou disposer d’une aire d’exercice extérieure, leur production de lait ne doit pas excéder 1000 kilos annuels par tête ; enfin, les bêtes sont nourries avec une alimentation issue du territoire, dont les rations ne doivent pas comporter plus de 40 % de concentrés. « De fait, l’ensilage et l’enrubannage sont interdits. Nos chèvres mangent du foin ou de l’herbe », ajoute l’éleveur, qui cultive près d’une cinquantaine d’hectares en surface fourragère pour nourrir son troupeau.

Le passage au bio
Jean-Frédéric a choisi de basculer sa production en bio. Il le reconnait, « c’est une démarche qui demande du temps et du travail. La durée de conversion pour les terres est de 2 ans, elle a débuté en 2018 ; celle du troupeau, qui est de 6 mois s’est déroulée au deuxième semestre 2019. »
Pour cela, il a adapté ses méthodes et changé ses semis. « On a vendu le pulvérisateur, nous n’avons plus de traitement phytosanitaire et nous n’utilisons plus d’engrais du commerce. Là où nous cultivions à l’époque du colza ou du tournesol, nous avons maintenant beaucoup de cultures de printemps, des plantes sarclées comme le maïs ou des légumineuses qui n’ont pas besoin d’azote. »
Entre contraintes et fierté

« Mon aventure agricole est une histoire qui a commencé avec mon père et c’est en famille qu’elle se poursuit, même si je ne suis pas certain que la nouvelle génération reprenne le flambeau. »
Car aucune des 3 filles du couple ne manifeste l’envie de continuer l’exploitation. Jean-Frédéric reconnait que la profession n’attire pas forcément les jeunes. Il ne compte pas ses heures, mais apprécie d’avoir des salariés pour « se dégager du temps libre et sortir la tête du guidon, c’est important. »
Malgré les contraintes, Jean-Frédéric se dit heureux d’exercer son métier, lui qui a su évoluer. « J’adore ce que je fais, j’ai adapté mon travail à ce que j’aimais. En plus de la fromagerie et de la vente sur les marchés, nous avons développé une activité traiteur avec une salle de réception. On accueille du public à la ferme et nous leur proposons des repas à base de chèvre de l’entrée au dessert ! Ma spécialité, c’est le cannelé au lait de chèvre ! ».

Jean-Frédéric exprime aussi sa fierté d’être éleveur pour de multiples et bonnes raisons : contribuer à l’économie d’un territoire, embaucher du personnel, et surtout la satisfaction de nourrir la population avec des produits de qualité.
« Ce matin, des gens dans un camping-car se sont arrêtés pour nous acheter des fromages. Et ils sont revenus pour nous dire qu’ils étaient très bons. Ce sont ces encouragements qui nous incitent à continuer, pour fabriquer et vendre des fromages de qualité. »
Notre conseil ? Mettez sur votre table gourmande les tartines de campagne au Mothais sur feuille, ou les tartelettes fines aux Pommes du Limousin AOP, Mothais sur feuille AOC et Marrons du Périgord Limousin ! Et si vous souhaitez proposer un atelier cuisine à vos enfants, confectionnez avec eux cette délicieuse recette : les Étoiles au Mothais sur feuille et aux noix du Périgord.